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Alsatian
| 30/08/2006 (published on e-alsace.net) |

La Région Alsace et Microsoft s'associent et modernisent la langue alsacienne

Le 29 juin 2006, Microsoft, la Région Alsace, et l’Office pour la Langue et la Culture d’Alsace ont officialisé la réalisation d’un projet pilote visant à proposer avant 2008 une version en alsacien de Microsoft Office et de Windows Vista. Un petit dépoussiérage lancé à l’initiative du géant américain de l’informatique, qui a d’ores et déjà fait évoluer l’alsacien vers les sphères techniques des nouvelles technologies et du numérique.

L’alsacien comme langue pilote chez Microsoft Corporation

C’est Microsoft qui a choisi, à échelle mondiale, l’alsacien comme langue régionale pilote pour ses projets de localisation. Au terme des deux phases de déploiement prévues, les détenteurs d’une version française de la suite bureautique Office (Word, Excel, PowerPoint) ou du système d’exploitation Windows Vista pourront se procurer gratuitement un module rendant chaque programme bilingue : le terme alsacien correspondant au terme français s’affichera au survol de la souris grâce au système CLIP (Caption Language Interface Pack). Une version sonore viendra par la suite compléter cette version écrite.

Si le test réalisé avec la langue alsacienne fonctionne, Microsoft mettra en mouvement tout une série d’autres versions, soit uniques pour les petits pays, soit bilingues pour les pays possédant des langues minoritaires fortes. Alors qu’il existe environ 6 000 langues différentes sur la planète, le géant informatique mondial ne traduit actuellement ses logiciels qu’en 23 langues. L’objectif est de proposer les nouvelles versions d’Office et de Windows en une centaine de langues. Le projet pilote mené avec l’Alsace s’inscrit donc directement dans la politique linguistique et citoyenne de la firme américaine de Redmond. « Le but n’est évidemment pas de générer des profits commerciaux » explique Christian Ichert, directeur régional de Microsoft en Alsace, « nous voulons être proches de nos utilisateurs et montrer que la mondialisation permet aussi de mener des actions locales concrètes et citoyennes ».

Les Bretons et les Bavarois ont déjà manifesté leur intérêt. En France, quatre modules devraient être mis en place : alsacien, basque, breton et corse. Le catalan restant pour l’instant à l’initiative du gouvernement espagnol. Quant à une version hispano-franco-catalane, ou une version franco-allemande pour la zone économique et culturelle du Rhin supérieur et où l’alsacien pourrait trouver naturellement sa place, Christian Ichert ne les exclut pas : « tout dépendra des demandes qui nous parviendront de la part des gouvernements nationaux ou locaux ».

Pour Alain Cote, conseiller pour l’innovation numérique de la Région Alsace, cette réalisation pilote est une bonne chose : « c’est pour nous l’opportunité de sortir l’alsacien d’un entonnoir passéiste,(…) d’autres actions sont d’ailleurs actuellement en cours ». Et Alain Cote de rappeler que « l’Office pour la Langue et la Culture d’Alsace reçoit de plus en plus de demandes d’entreprises qui souhaitent pour des raisons principalement commerciales produire des sites Web ou des brochures en alsacien ».

Quand Redmond rencontre Raymond…

C’est l’Office pour la Langue et la Culture d’Alsace (OLCA) et l’Institut de Dialectologie de l’Université Marc Bloch de Strasbourg qui, encadrés par Microsoft et soutenus financièrement par la Région Alsace, sont chargés de mener à bien les travaux de traduction. Une première phase est déjà terminée. Confiée au professeur Raymond Matzen, 84 ans, ancien directeur de l’Institut de Dialectologie, lexicologue dialectal agrégé d’allemand et parfaitement dialectophone, cette première phase a consisté en la traduction d’un lexique de 2 500 mots de base. De « fichier » à « souris » en passant par « glisser-déposer » et « administrateur de bases de données » : un tableau de 20 pages au format A3 où figuraient le terme d’origine en anglais, ses traductions française et allemande, et une courte description en anglais.

Pour traduire, saisir et implémenter ces 2 500 premières entrées, le professeur Matzen aura mis un mois plein. De la traduction… et un peu de création aussi : là où l’allemand assimile facilement l’anglais, l’alsacien le fait moins volontiers. Le Web-Browser allemand est ainsi traduit par Web-Schnuffler (fouineur).

La seconde phase, qui sera lancée à la rentrée universitaire, consistera à traduire 50 000 autres mots, expressions ou phrases. Un travail qui prendra du temps, pas loin d’une année estime Raymond Matzen, qui souligne également la difficulté que représente le recrutement de personnes qui maîtrisent couramment et à haut niveau le français, l’alsacien, l’allemand, et si possible l’anglais, tout en ayant une bonne connaissance de l’informatique et de la syntaxe associée. Un défi de taille qui sera sans doute confié à un professeur et un assistant, peut-être un étudiant en fin de cursus pour qui, comme le remarque Christian Ichert, « il sera intéressant de travailler sur quelque chose de vivant ».

Pour le professeur Matzen : « cette initiative de Microsoft est à saluer (…). Cela contribue à maintenir le dialecte vivant, un dialecte qui perd du terrain sous les effets du nivellement provoqué par la mondialisation, la Globalisierung ; (…) il s’agit de promouvoir le régionalisme culturel et linguistique en faisant vivre l’alsacien aussi longtemps que possible… Il y a de quoi être fiers ».

Et du côté du libre : pas de cigogne pour le pingouin ?

Diffuser, à l’heure du gratuit, la langue alsacienne au moyen d’un logiciel propriétaire payant, cela peut paraître absurde. A tout le moins pas assez ambitieux. Les défenseurs du libre, depuis longtemps attentifs aux développements de versions linguistiques minoritaires notamment de la suite bureautique Open Office, gratuite et concurrente de Microsoft Word, ont du mal à comprendre. Guy Dahl, directeur de l’OLCA, les rassure : « Cette traduction est sans Copyright, ce point est parfaitement clair ». Le travail réalisé par Microsoft et la région Alsace devrait donc permettre de mâcher celui de ceux qui, essentiellement en mode coopératif ou Wiki, avaient peut-être l’intention de s’y mettre. (cf. Open Office Native Language Confederation). La Région se dit prête à soutenir toute initiative en ce sens.

En attendant il ne tient qu’à nous d’utiliser un peu plus l’alsacien dans nos tâches quotidiennes afin que la langue vive et évolue. Loi de l’économie du langage oblige, nous dirons sans doute Schnuffler pour Web-Schnuffler et peut-être Brett pour Tàschstbrett. Pour nous aider, le professeur Matzen a déjà écrit un dictionnaire des gros mots alsaciens (Dictionnaire trilingue des gros mots alsaciens, Ed. Le Verger, 2000) : trois mille insultes et noms d’oiseaux en tous genres qui peuvent, on le sait, s’avérer utiles en informatique ! Et pour communiquer en meilleurs termes avec sa machine, le professeur nous a concocté un dictionnaire des « mots caresses », qui paraîtra prochainement.

G.Grün Nevers

En savoir plus:
Petit lexique informatique français/ alsacien/ allemand

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